Bébé-soleil qui n'en supporte pas les rayons.

Des brûlures sur tout le corps, rapidement. A la moindre sortie trop longue dans le parc, à la moindre baignade à la plage, peu importe la quantité de crème solaire étalée sur le corps. Belle ironie, pour quelqu'un né à Tropica, l'une des villes où il fait le plus beau et le plus chaud de tout le pays. Ses parents ont bien pensé à déménager mais ils avaient tout, ici ; leur famille, leur boutique de prêt-à-porter, leurs amis.

Bébé gazouille mais bébé souffre. Alors, on finit par le surprotéger. Mets de la crème solaire dès que tu sors, qu'on lui dit toujours ; tu n'as pas oublié tes lunettes de soleil j'espère ? Surtout, porte des gants si tu le peux. Protège-toi bien. Ne reste pas trop longtemps dehors. Fais attention au soleil, surtout.

Fais attention au soleil.


C'est ton jour de repos et pourtant tu passes les portes des Carottes sont cuites comme si de rien n'était. A la différence près que tu es entourée de tous.tes tes ami.e.s cette fois et que tu ne passes pas par la porte de service mais par l'entrée officielle. Il fait nuit mais bon à Tropica ce soir et c'est le temps que tu préfères par-dessus tout ; pas de soleil pour te gâcher la fête et la nuit entière devant toi pour t'amuser. Tu discutes et rigoles au bar avec ton entourage, enchaînes les verres les uns après les autres, danses et sautilles sur la piste.

Tu es vivant.
Tu rayonnes comme le soleil que l'on te refuse.
Tu profites de chaque petite chose que la vie t'offre
tu la croques à pleine dents – quitte à laisser le poison s'infiltrer sur ta langue, te prendre tout le corps. Te figer sur place.
Tu as
tellement peur
de rester
figé sur place.


Fais attention au soleil mais l'enfant n'y fait pas attention.

L'enfant aime le soleil plus que tout. L'enfant veut sortir, s'amuser, rigoler, comme tout le monde. L'enfant s'en fiche de finir brûlé au deuxième degré, l'enfant veut s'émerveiller. L'enfant grandit et plus le temps passe, plus il devient libre. Son esprit vogue au gré de sa vie, de ses sensations. L'enfant ressent tout, tout le temps. Il pleure quand il écrase un escargot, rigole lorsqu'on lui fait une blague, s'illumine de bonheur lorsqu'on lui annonce une bonne nouvelle.

L'adolescent n'a pas le droit au soleil alors il devient le soleil. Excentrique, incapable de se contenir. Il va et vient, sort, s'amuse et s'ennuie, pleure et rit. Suit le cursus normal de l'école sans réellement savoir ce qu'il veut devenir dans la vie. Pas de longues études, ça l'adolescent le sait ; un métier de nuit, sûrement, cela sera plus pratique.

« Mais t'es quoi en fait ? » Qu'on lui demande et le jeune adulte hausse les épaules.

Il s'en fiche. Ni féminin ni masculin mais un mélange des deux. Parfois l'un, parfois l'autre, parfois rien. Le jeune adulte varie au gré de ses envies. Comme pour tout le reste de sa vie.


« Skip, il faut vraiment que arrêtes. Tu as déjà bien trop de cicatrices, de marques qui ne disparaîtront pas. Tu meurtris ton corps. Pourquoi tu ne fais pas un peu plus attention ? » L'infirmière soupire alors qu'elle te soigne. Tu ne l'écoutes que d'une oreille distraite. T'as l'habitude de ses sermons, tu n'y fais plus trop attention – pas que tu l'ai déjà fait un jour, de toute façon. Tu ne sais pas vraiment pourquoi tu continues, malgré la douleur, malgré les brûlures qui ne partent pas toujours, malgré les pertes de conscience et les nombreux passages à l'hôpital. T'es pas un grand fan de l'hôpital pourtant, Skip ; en général, tu te retrouves toujours à pleurer la mort de ton voisin de lit ou à sautiller de bonheur en apprenant la rémission d'un cancéreux. C'est beaucoup d'émotions fortes, pour toi, l'hôpital et ça reste très fatiguant pour toi.

Non, tu sais pas pourquoi tu continues de t'exposer au soleil comme ça. Tu trouves juste ça triste, de vivre constamment dans l'ombre. Tu as besoin de ses rayons pour te sentir bien, pour te sentir complète. Tu sens, au plus profond de toi, que ses caresses sur ta peau sont vitales pour ton être.  Alors tu continues de le chercher comme un affamé. Tu essaies, pourtant, de limiter ton exposition, tu assures que tu essaies ; mais personne ne te croit jamais alors tu as abandonné l'idée. Tu as juste... Besoin de ça pour te sentir vivant. On te dit souvent que tu es trop inconsciente, trop tête en l'air, rêveur, dans la lune – mais toi tu ne sais pas si c'est vraiment ça. Tu veux juste profiter de ce qui t'est offert.

Un bandage tout le long de tes bras et une crème à appliquer trois à quatre fois par jour – tu connais la chanson. Tu repars, chantonnant, de l'hôpital. Des cicatrices en plus sur le corps mais
un cœur gonflé
constamment
sur le point d'exploser.