Septembre 4050
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Fruit / Légume : Bonne-dame
Métier/Etude : Gardienne de cimetière (entre autre)
Comme elle n'arrivait pas à rationaliser pourquoi elle se trouvait ici, elle s'était mise sur le côté et avait tenté de souffler un peu. Il y avait tant de monde. Cela lui donnait le tournis. Au bout de plusieurs minutes à tenter de retrouver son calme, elle avait entrepris de bouger, de faire semblant au moins. Dans son fauteuil roulant, elle descendait la rue avec l'allure majestueuse d'une tortue en tentant de faire comme si tout était normal. Oui oui, elle était totalement en train de faire du shopping, à admirer ces beaux... trucs brillants ? dans la vitrine, telle la luxueuse vieille dame qu'elle était avec son luxueux chat et son luxueux fauteuil qui ne se pêtait absolument pas la gueule sur cet amas de pavé.
Bon elle était par où la sortie ?
Elle en était encore à ces préoccupations quand elle aperçu une tête connue. Enfin à peu près connu. Du genre qu'elle était certaine d'avoir déjà vu et qu'elle voyait surement régulièrement. Oh, n'était ce pas ce petit jeune qui venait nourrir ses chats ? Probablement oui même si elle ne se souvenait plus des détails.
Avec tout l'aplomb de l'aigle unijambiste, elle roula vers lui et s'accrocha presque à son bras.
— Oh mais je vous connais mon petit. Que faites vous ici ?
Et elle ne comptait pas le lâcher, cette jolie petite bouée de sauvetage sur jambe.
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Fruit / Légume : Olive
Métier/Etude : Mascotte / Croupier
Pourquoi avais-je voulu me faire du mal ?
C’était un jour comme de repos comme un autre, j’avais pu aller en cours le matin. Cette fois, c’était une impro sur l’oisiveté. J’avais fait de mon mieux, mais c’était un monde que je ne connaissais pas. Je ne regardais pas la télé, je n’avais pas le net, ma vie se résumait à des petits boulots où l’on faisait semblant que j’étais irremplaçable. Mais tout peut être changé, même les choses que l’on nomme uniques.
Oui, c’était sans doute pour cela que j’ai voulu voir ce monde que je ne peux qu’effleurer du bout des doigts.
La Corbeille de Fruit était ce qu’on pouvait appeler… Un lieu blingbling. Trop brillant, trop propre, on dirait qu’on était dans ces magasines où tout était à la place. Avec l’animation en plus. Je mourrais de chaud sous mon tee-shirt à manches longues, mais cela n’empêchait de déambuler entre les vitrines impeccables. Je m’arrêtais devant un short assez classe et je me permis de regarder le prix au pied du mannequin. J’écarquillais les yeux, un pas en arrière pour tenter de me rattraper. A ce prix, je pourrais manger tous les jours pendant un mois. Y’avait-il des gens aussi riche pour acheter un vêtement qui pourrait nourrir une famille ?
Je sentais la nausée monter, une colère indicible contre ceux qui jetaient de leur fenêtre l’argent pour un bout de tissu. Avec cet argent, je n’aurais plus besoin de travail, je pourrais prendre des cours de théâtres supplémentaires, Je pourrais enfin vivre.
Mais cela ne pourrait jamais m’arriver.
Des serres s’accrochèrent à mon bras et me sortir de ses pensées stériles. Il me fallut un instant pour reconnaitre la vielle dame du cimetière. J’en fus que plus surpris de la voir ainsi. Elle n’avait pas vraiment l’air d’être ce genre de vielle à acheter des robes aussi fadasses que chers que toutes les grands-mères chics possédaient. Avait-elle le même fournisseur ? Je secouais la tête et demanda à la fade, un peu perplexe :
« Nonna ? Qu’est-ce que tu fais ici ? Tu veux acheter à Ancolie un collier avec des diamants ou… Tu t’es perdue ? »
C’était le plus plausible en réfléchissant bien. Cela expliquait aussi pourquoi elle te tenait aussi fermement. Mais ce n’était pas la seule question que tu te posais. Déjà comment avait-elle pu arriver là sans encombre ? Chez les bourge tout était accessible au fauteuil ? C’était vraiment un autre monde. Tout est plus beau quand on est riche.
Je regardais autour de moi, sans trop savoir quoi faire. Je n’étais pas perdu géographiquement, mais bien mentalement.
Là où même les chiens portaient des manteaux de soie.
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La vieillarde pencha la tête, comme surprise par cette question. Elle ne desserra pas sa prise pour autant et eut un petit rire minaudant. Ouais, ouais, que faisait elle ici ? L’idée du collier de diamants la faisait rire et elle allait lui répondre qu’Ancolie n’avait pas besoin de cela et que cela la blesserait plus qu’autre chose quand elle se rendit compte d’une chose : C’était elle qui avait posé la question en première ! Pourquoi devait-elle répondre avant lui ? Elle resserra sa prise, s’il était humainement possible de faire autant et joua la carte spéciale des grands-mères : « Mamie gateau ».
— Oh, voir un si beau jeune homme dans un si bel endroit. C’est adorable.
Etape numéro 1 : répondre à l’ouest. S’il ne lui disait pas ce qu’il faisait ici, alors elle non plus.
— Et donc, mon petit, vous aiderez bien une vieille dame comme moi, non ? Vous seriez gentil. Je vous paierais une glace en remerciement.
Etape 2 : agiter une carotte. Ça allait marcher. Enfin, peut-être. Elle jeta un coup d’œil à son sac, pour voir son porte-monnaie et pâlit soudainement. Elle n’avait pas son sac avec elle. Peut-être l’avait-elle oublié à la maison ? Ou peut-être lui avait-on volé ? La seconde possibilité était bien plus mélodramatique et lui plut d’avantage, par conséquent. Tout en paniquant intérieurement, elle offrit au jeune homme un large sourire :
— Eh bien, y allons-nous ?
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Je ne menais pas large et je comprenais de moins en moins la situation. Pourquoi minaudait-elle ? Avait-elle vraiment besoin de prendre un ton aussi mielleux pour me parler ? Pourquoi parlait-elle totalement à côté de la plaque pour finalement m’acheter avec une glace? Les personnes âgées étaient effrayantes quelques fois.
Surtout que je détestais les glaces.
Mais bon, je ne pouvais pas la laisser là, enfin je n’avais pas tellement le choix vu comment elle me retenait. Est-ce que le sang passait encore dans mon bras ? Je gardais cette interrogation pour moi. Je regardais de droite à gauche, mais les instructions de Nonna ne m’aidaient guère. Je lui demandais, avec le plus faux sourire que je pouvais produire maintenant que je ne sentais plus mon bras :
« Je veux bien, mais je ne sais pas vraiment où est-ce que tu veux aller... Tu pourrais m’éclairer ? »
Mais déjà peut-être que se déplacer serait moins suspect. Un garçon sans marque et une vieille semblait attirer les regards. J’eus un rire jaune, regrettant amèrement de m’être retrouvé dans la galerie. Je voulus avancer, mais je réalisais que je n’avais pas vraiment la force de la traîner avec son fauteuil. Et je voulais aussi récupérer mon bras avant de le perdre à jamais :
« Tu veux je te pousse ou tu me suis ? J’aimerais bien récupérer mon bras intacts ahah… »
Cela se voulait être une légère plaisanterie, mais je m’inquiétais réellement pour mon membre.
Qui aurait crû qu’une vieille aurait encore autant de force ?
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« Je veux bien, mais je ne sais pas vraiment où est-ce que tu veux aller... Tu pourrais m’éclairer ? »
Ah mais oui, il la tutoyait ! Là où elle le vouvoyait par politesse. Cela dit, il râlait, il râlait mais il avait commencé à avancer. Très bien, bon petit. Elle n’aima que moyennement son rire jaune et eut une hésitation quand il continua :
« Tu veux je te pousse ou tu me suis ? J’aimerais bien récupérer mon bras intact ahah… »
Pros de se laisser pousser : c’était bien plus simple et reposant. Juste à donner ses ordres et hop, elle n’aurait plus aucun effort à faire. Cons : c’était effrayant de se donner ainsi à quelqu’un sans compter qu’une personne non expérimentée la ferait foncer dans tous les murs, trébucher sur les trottoirs et autres joyeusetés. Dilemme, dilemme. Elle eut quelques secondes d’hésitation avant de finalement relâcher le bras et de déclarer :
— Eh bien, demandé si gentiment… J’accepterais avec plaisir que vous me poussiez. Mais s’il vous plait, faites un peu attention.
Maintenant, elle espérait qu’il ne s’échappe pas. Elle avait tenté de ne pas être sèche ou dédaigneuse dans sa réponse, continuant son petit ton mielleux mais même elle sentait que ce n’étaient pas les bons mots. Sauf qu’elle n’en avait pas d’autre.
— Et, euh, j’ai perdu mon sac.
Oui, voilà, autant l’avouer. L’idée qu’il puisse être resté à la maison était parti, disparu avec les petits oiseaux. Et cette pensée l’angoissait un peu si bien qu’elle avait peut-être, potentiellement, éventuellement, fait paraître un peu sa panique. Juste un tout petit peu.
— Oh, il ne doit pas être loin mais il faut que je le retrouve. Je… Il doit bien y avoir un service des objets trouvés par ici, n’est-ce pas ?
Allez, on ne paniquait pas. C’était comme la fois où elle s’était aperçue que le bras d’un cadavre qu’elle avait préparé était manquant. Pour un cercueil ouvert. Il fallait garder son calme. Il allait bien finir par réapparaitre. Du coup, elle conclut d’un ton un peu plus jovial :
— Et ensuite, nous irons manger une glace.
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Je regrettais tellement d’être allé à la corbeille de fruit. Je payais mon comportement masochiste par une virée infernale avec une personne âgée et un fauteuil diabolique. Je regrettais presque ce masque sucrée que je n’arrivais pas quitté. Je souriais, mais intérieurement j’angoissais à l’idée d’avoir à la conduire.
Hésitant, je me saisissais des poignets avec une précaution monstre, m’attendant à ce qu’elle cède entres mes doigts. Mais visiblement, cela ne fut pas le cas. Je la fis rouler sur quelques mètres avec bien trop enthousiasme pour un si petit exploit. Mon cerveau put de nouveau fonctionner correctement et je pus enfin traiter les autres informations auditives. Ma joie fut de courte durée. Je m’arrêtais instantanément, les yeux plus ronds que des billes :
« A-Attends, tu n’as plus ton sac ? »
J’avais l’air d’être un détective ou de connaître les lieux ? Je baissais les sourcils pour prendre un air inquiet, même si je continuais de maudire la vie en cet instant. Je regardais un peu partout autour de moi, avant de réaliser que je n’avais aucune idée à quoi pouvait ressembler un sac de vieilles dames. Je n’avais pas connu mes grands-parents, donc je n’avais qu’un concept lointain que ce que pouvait ressembler leurs vies. Nonna était mon seul exemple de légumes plissés et je n’avais pas vraiment l’espoir de rester aussi longtemps en vie.
Mais est-ce que Nonna était un bon exemple de la vieillesse ? Je me posais des questions aussi superflues que déroutante. Je les chassais de mon esprit d’un coup de tête et je demandais du même ton qu’un gendre avec sa mamie qui radotant :
«On pourra chercher dans les objets trouvés, mais tu l’as perdu quand ? Ce serait peut-être plus efficace de chercher où tu es passée avant… »
Si elle s’en rappelait encore, mais je ne rajoutais pas ce commentaire, cela aurait été malvenu. Mon amertume était pessimiste. Il faudrait d’ailleurs que j’arrive à esquiver la glace. Je repris, cette fois avec un peu plus de naturel :
« A quoi ressemble ton sac ? »
Si elle me sort un sac de marque, je me tirais une balle. Déjà que j’avais à chercher une fraise dans un champ de framboise, je ne voulais pas que ma tâche soit impossible.
J’aurais tellement dû rentrer chez moi et dormir.
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Ce qu’il y avait de bien, avec les jeunes gens, c’est qu’ils paraissaient bien plus paniqués que les autres. Là où Nonna tentait de garder son calme depuis plusieurs minutes déjà, le jeune homme laissait exploser sa panique et le voilà qui bégayé, prenait une mine déconfite et regardait partout ailleurs – peut-être cherchait-il le sac disparu ? Qui sait. En tous les cas, voir quelqu’un paniquer pour vous était assez satisfaisant. Plus elle le regardait et moins elle stressait.
— On pourra chercher dans les objets trouvés, mais tu l’as perdu quand ? Ce serait peut-être plus efficace de chercher où tu es passée avant…
Quand l’avait-elle perdue ? Bonne question, tiens. Elle n’arrivait vraiment pas à s’en rappeler et ce n’est pas faute d’essayer. Toutefois, elle doutait que cela fusse la bonne réponse aussi était-elle en train de réfléchir à quel pieu mensonge elle allait inventer quand le jeune homme, un peu plus calme cependant, lui demanda :
— A quoi ressemble ton sac ?
— Hum, fit-elle en plissant les yeux. C’est un vieux sac un peu usé. Il est fait en, oh je ne suis pas très douée pour les tissus ou décrire les choses. Comment dire cela… Vous voyez les vieilles tapisseries ? Eh bien, il ressemble un peu à cela et il a une poignée sur le haut et des… rah, c’est ennuyeux. Des « clips » ? Je ne trouve pas de mots plus adaptés mais vous voyez l’idée : quelque chose que l’on descend et qui maintient fermé – pas une fermeture éclair, en somme. Il était dans les tons bruns et…
Nonna se perdait dans ses explications, elle le sentait bien. Tout était si confus et perturbant. Elle n’était pas couturière, tout de même ! Elle s’emmêla même les pieds dans son mensonge :
— Et, euh… quand l’ai-je perdu ? Je… Avant que vous n’arriviez, je suppose, sinon vous l’auriez remarqué. Et euh, je crois avoir sorti mon porte-monnaie du sac il y a une vingtaine de minute, enfin, euh, oui, sans doute, vers le coup des onze heures. Oui, voilà, quelque chose comme ça. Euh, ou alors c’était quand j’ai quitté le SPA ? Je… J’ai un doute.
La chose que Nonna ne pouvait pas savoir à cet instant précis, c’est qu’on était en plein milieu de l’après-midi et qu’il y avait peu de chance qu’elle eut réussi à aller jusqu’au SPA. Mais pour le moment, tout était brouillon dans sa tête et son calme, qu’elle avait presque réussi à conserver jusque-là, dont elle se vantait il n’y avait même pas deux minutes, commençait à se fissurer comme un vase ébréché. Ce n’était même plus son sac le souci, ou le fait qu’elle n’arrive pas à se souvenir de ce qu’elle faisait ici ou encore même ce jeune homme qui la tutoyait. C’était son incapacité à trouver ses mots, à articuler ses idées, qui la frustrait au plus haut point, tellement qu’elle en sentit couler une larme. Oh merde, elle n’avait vraiment pas besoin de ça maintenant.
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Cette description devait m’aider, mais elle me laissa encore plus confus. J’avais du mal à visualiser l’objet, seul le côté usé me permettait de raccrocher les wagons. Dans cet univers de luxe, le vécu devait se voir à distance. Du moins c’était en supposant qu’elle l’avait perdu dans le quartier.
J’avais un mauvais pressentiment, mais je tentais de garder ma contenance.
Sa langue s’était déliée, et elle continua de rechercher dans ses souvenirs. Mais onze heures étaient passées depuis longtemps, et une vague d’inquiétude surélevait ma poitrine. Avait-elle une mémoire aussi fragile la dernière fois que je l’avais vu ? C’était quand la dernière fois que j’avais passé quelques heures avec elle de toute manière. Cela me semblait si lointain, mais tout me paraissait s’éloigner. Il ne fallait pas trop y penser.
Juste se focaliser sur la larme qui venait de couler sur sa joue.
Je me penchais un peu plus comme pour tenter de capter son attention. Aussi pour dire que j’avais vu, sans vraiment le prononcer. Je lui souris, comme pour ne pas me focaliser sur l’échec alors que je m’embourber dans la vase.
« On va tenter de déambuler un peu. Y’avait quelque chose que je voulais voir. Dans un de ses magasins. »
Je n’aurais jamais assez d’une vie pour m’acheter un fragment des fringues qui peuplaient l’allée. Mais je pouvais au moins tenter de la ramener vers les objets trouvés, sur un malentendu. Mal assurée, j’avançais le fauteuil doucement continuant d’étoffer mon mensonge avec délicatesse.
« J’ai vu des doudounes pas loin. Ce n’est pas très utile à Tropica, mais si un jour, je veux aller faire du ski… »
Je mourrais probablement avant de pauvreté et des cafards dans l’estomac, mais rêver de la neige me paraissait appropriée pour une personne de ma tranche d’âge. Je me rappelais de la fausse fourrure, mais à vrai je m’étais peut-être totalement trompé d’articles. Mais il fallait tenter, tout du moins.
« Tu es déjà allée en montagne ? C’est comment ? Oh, on devrait tenter les objets trouvés en même temps pour ton sac ! Je crois que c’est à côté. Ca peut être bien non ? »
Je lui donnais un peu d'espoir pour faire taire l’amertume d’une vie entre quatre murs. Avec un peu de chance, cela ne faisait pas si longtemps qu’elle l’avait perdue, au pire, il y aurait le SPA, même si je n’avais aucune idée d’où est-ce que cela pouvait se trouver.
Etait-ce au moins proche de la Corbeille de Fruits ?
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